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Vous n’avez certainement pas échappé, ces derniers mois, à la couverture médiatique du ‘régime sans gluten’, que ce soit à Roland Garros où Jo Wilfried Tsonga en vantait les mérites pour améliorer ses performances ou encore dans les magazines people où Lady Gaga, Oprah Winfrey, ou encore Gwyneth Paltrow ne juraient que par lui pour garder la ligne.
D’après le British Allergy Foundation, 45 % de la population en Europe et en Amérique du Nord serait concernée par une ou plusieurs intolérances alimentaires et ce, pour beaucoup, sans le savoir. Pour raisons de santé, par conviction ou tout simplement par mieux être, nombreux sont ceux qui optent pour des régimes alternatifs.
1/3 des Américains mangeraient déjà sans gluten en 2014. Il est simple de trouver des produits sans gluten à des prix abordables et des restaurants qui proposent des menus ou plats sans gluten/sans allergènes dans les pays anglo-saxons. Alors pourquoi pas en France ?
Dans un pays où l’Art de vivre et la Gastronomie sont rois et représentent l’image de la France, il ne fait toujours pas bon faire parti de la ‘tribu des NoGlu’. Le chemin reste long et fastidieux pour faire changer les mentalités et l’image que le public peut avoir de ce problème de santé.
Pour preuve le dernier ‘buzz média’ de ces derniers jours : Manuel Valls a défrayé la chronique dès sa nomination mais ce n’est pas son programme politique qui a attiré l’attention des médias mais son ‘régime’ alimentaire. Notre Premier Ministre serait ‘allergique’ au gluten.
Petit retour sur la couverture presse du sujet :
> Le Point : « Valls impose son régime aux cuisiniers de Matignon », le nouveau Premier Ministre « rend fous les cuisiniers de Matignon »
> Sciences & Avenir : « Un vrai casse tête pour les chefs »,
> 20 minutes : « Les exigences de Manuel Valls bouleversent les cuisines de Matignon »
> Pure People : » Manuel Valls : ses cuisiniers au défi face à son régime de star »
> Marie Claire : « Manuel Valls va t’il se mettre les cuisiniers de Matignon à dos? » « Le Chef étoilé de Matignon va devoir dire adieu aux grands desserts traditionnels de la pâtisserie française »
> La Dépêche : « Les goûts gastronomiques de Manuel Valls affolent les cuisines de Matignon »
> Ouest France : « Le Catalan a la fourchette capricieuse »
> Midi Libre : « Le cuisinier de Matignon s’arrache les cheveux pour écarter gluten et poisson. »
> L’Express : « Valls impose son régime » « Casse tête culinaire« , « Les cuisiniers sont mis à rude épreuve« .
Le champ lexical employé ici est empreint de connotations négatives, de reproches et de recherche du sensationnel. Les médias français, à les lire, réduisent le sujet à un ‘effet de mode’ voire ‘un caprice de bobos’.
Je finis par me demander si les journalistes en question ne sont pas des partisans de la malbouffe, des victimes de la mal-information, manipulés par certains lobbys ou tout simplement des obsédés de l’audience, génératrice de revenus publicitaires, poussés à relayer des informations au plus vite sans les vérifier ou les analyser.
Il est évident que le public mais aussi le corps médical sont, en France, peu voire mal informés au sujet des intolérances alimentaires.
On oublie souvent, qu’à l’origine, le ‘régime sans gluten’ concerne des personnes atteintes d’une maladie sévère qui touche le système digestif appelée ‘maladie coeliaque’, et les intolérants au gluten qui développent des pathologies multiples qui peuvent être invalidantes.
Face à la poussée du marché du ‘sans gluten’ ces derniers mois, on voit fleurir dans les rues des affiches de la campagne « Tu as pris le pain ? ».
Le site internet de cette campagne publicitaire vante les mérites du pain comme ‘aliment central et compagnon du quotidien’, qui fait parti du ‘repas traditionnel à la française’, qui ‘rassemble’ dans une France » civilisation du pain ». Au milieu de cette guerre de lobbys entre industriels, céréaliers et producteurs d’aliments sans gluten, entre colloques et études payés par les uns et les autres pour minimiser le phénomène ou au contraire le renforcer, ce sont les malades qui pâtissent et qui sont stigmatisés. La seule réponse à notre probable prise de conscience de l’impact de notre alimentation sur notre santé serait-elle uniquement du propagandisme industriel ?
Personne ne parle des centaines de témoignages que l’on peut trouver sur internet et sur les réseaux sociaux, de personnes intolérantes ou allergiques, qui peinent à trouver des solutions pour ‘vivre normalement’, qui subissent souvent les moqueries de leur entourage professionnel ou personnel, de mamans dont les enfants sont victimes de brimades à la cantine. Est ce que ce sont les malades qui s’excluent ou l’image qu’en donne la société qui les exclue ?
Avec Manuel Valls, les chefs étoilés vont devoir renoncer à la pâtisserie traditionnelle? Fini les religieuses au chocolat, les Paris Brest et les éclairs? Quel dommage ! Pourtant, il est tout à fait possible d’en réaliser voire même de réussir ces desserts sans gluten avec des farines de remplacement dont le goût est bluffant de ressemblance avec la recette originale ! Manqueraient-ils tous tant d’idées et de savoir faire? Ne sait-on cuisiner principalement qu’à partir de farine de blé ? Il est vrai que la cuisine sans allergènes ou sans gluten n’est pas encore enseignée dans les écoles de cuisine françaises. Ce ‘défi’ des cuisiniers de Matignon, les intolérants le relèvent chaque jour. Nous nous improvisons chefs ou pâtissiers dans nos cuisines, pour manger sainement en restant gourmands. Oui, nous mangeons des pizzas, du pain, des burgers, des gâteaux comme tout le monde. Oui, c’est possible et il serait bon aussi de le dire et de le faire entendre !
Cette sur médiatisation pourrait être une bonne nouvelle, malgré tout : Plus le sujet des intolérances alimentaires sera évoqué, plus nombreuses seront les personnes sensibilisées et diagnostiquées qui se sentiront mieux en modifiant leur régime alimentaire. La bonne santé passe en grande partie par l’alimentation. Les choses ne peuvent qu’aller en s’améliorant !
Les intolérants au gluten ne sont ni capricieux, ni tristes, ni victimes de la mode, ils ne mangent pas que de la salade verte sans sauce ou des produits sans saveur, ils ne cherchent pas à se démarquer ni à se désocialiser. Ils ne demandent rien d’autre qu’être traités avec respect dans leur différence, une différence que
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